Si Yao Shih avait eu la moindre idée des invités qui se dirigeaient vers sa maison et surtout de leur intention, il aurait surement pris les jambes à son cou. Il aurait préféré affronter à lui seul une armée de 10 000 hommes plutôt que de rester là. Pourtant, il était de notoriété publique qu’il recherchait une épouse, mais Yao Shih avait longuement réfléchi au processus. Il pensait trouver une gentille épouse au palais. D’ailleurs, il avait commencé à étudier le passé de certaines, leur origine sociale et leur éducation. Il veillait aussi à ce qu’elles viennent de famille respectable, non pas seulement par leurs rangs, mais aussi que leurs pères aient prouvé leur loyauté envers le royaume de Sizheng. Finalement, après plusieurs semaines d’observation silencieuse, il avait arrêté son choix sur la fille aînée d’un général mort il y a déjà quelques années. De son point de vue, elle était parfaite. Une beauté discrète, éduquée et très gentille. Il l’avait souvent vu entouré d’enfants et elle avait démontré qu’elle n’avait pas peur de se salir les mains lorsque l’un des enfants qu’elle surveillait fut malade. Bref, il n’avait plus que des détails à régler avant d’aller officiellement demander sa main.
Il était justement en train de réfléchir à cela. Tout en lisant son livre et en buvant son thé à petites gorgées, il pensait à tout ce qu’il avait à faire dans la maison pour accueillir une épouse. Il devait penser aux futurs enfants, mais aussi s’il devait engager ou non plus de domestiques. Li Na le servait si bien depuis tellement d’année, mais plus de gens dans la maison signifiait plus de travail et la servante se faisait vieillissante. Une petite voix dans sa tête lui disait de laisser tomber le mariage. Qu’il pouvait bien continuer de vivre en ermite tout en allant rejoindre son Wei Su à Chenlan à chaque fois que l’occasion de présentait. Su serait plus que ravi d’apprendre qu’il laissait tomber les démarches, mais c’était impossible. Toutes les femmes du palais ne parlaient que de ça. Elles attendaient impatiemment qu’il annonce son choix. Yao Shih ne pouvait plus reculer.
Yao Shih soupira, se demandant ce qu’il devait faire. Peut-être que c’était le moment de demander conseil à un autre homme. Ing Heng Shan peut-être? Ils n’étaient pas à proprement parlé ami, mais ils étaient collègue et se respectaient mutuellement. C’était plutôt une bonne base pour une relation, non? Bref, il se rendrait peut-être chez Heng Shan pour avoir son avis sur la question. Un point de vue extérieur ne serait pas de trop et il était convaincu que Heng Shan avait surement plus d’expérience que lui avec les femmes.
Le général referma le livre d’un geste brusque. Il inspira profondément, l’air embaumait une délicieuse odeur qui venait des cuisines. Li Na s’activait déjà dans la cuisine, préparant avec une patience d’ange le repas de son maître. Au même instant, le tintement de la cloche à l’entré retentit. Des invités? Qui cela pouvait-il bien être? Peut-être Heng Shan qui aurait mystérieusement lu dans ses pensées? Non, Yao Shih ne croyait pas que l’homme prendrait la liberté de s’inviter ainsi. Il préférait le croiser dans un lieu plus neutre comme la caserne ou la place publique. Yao Shih s’arracha à son petit paradis pour aller ouvrir la porte, mais Li Na avait été plus rapide que lui et ce que dit l’inconnu en le voyant lui coupa littéralement le souffle. Même Li Na ne put cacher sa surprise en écarquillant légèrement les yeux. Cet homme ne manquait visiblement pas de culot. Yao Shih s’approcha, visiblement agacé. Il jeta un bref coup d’œil à la jeune fille en question, respectueusement incliné. Le général avait du mal à cacher ses sentiments. Il était si surpris que tout se voyait sur son visage. Li Na le remarqua et sembla inquiète tout à coup. Yao Shih était capable de chasser ces intrus à coup de pied au derrière sans la moindre cérémonie. Il se frotta le menton, réfléchissant.
— Suivez- moi. Li Na, prépare le thé.
Yao Shih amena ses invités jusqu’au salon où il recevait ses visiteurs habituellement. Ces derniers purent admirer la décoration de la maison et les goûts parfois somptueux du général. En effet, il n’était pas pauvre et cette fille, si elle devait devenir son épouse, devrait faire bien attention à tous les objets se trouvant dans cette maison.
— Je dois avouer que votre culot me surprend. Vous êtes bien le premier père à venir me voir jusqu’à ma maison. Habituellement, ils essaient de me surprendre au détour d’un couloir au palais ou encore à la caserne où j’entraîne mes troupes. Je ne sais pas si je dois être agacé ou admiratif.
Le général regarda la jeune femme. Elle était très belle, sans aucun doute. Elle l’était plus que celle qu’il avait remarquée au palais. Toutefois, il n’avait pas souvenir de l’avoir déjà au paravent. Elle n’était pas une habitante du palais, ce qui la désavantageait. En même temps, celle qu’il avait choisie n’avait pas de père, ni de beau-père donc aucune dote. Maintenant, il avait devant lui un homme prêt à donner beaucoup pour le mariage de sa fille. Il la traitait comme une simple marchandise, un moyen d’ascension sociale.
— Vous allez peut-être me trouver pointilleux, mais j’aimerais en savoir plus avant de prendre une décision. Vous dites que vous êtes prêt à me donner une dote conséquente. Que faites-vous dans la vie? Et son éducation? Comme vous pouvez le constater, cette demeure est remplie d’objets d’art et de livres. Je porte une attention particulière à l’éducation. De plus, je ne veux pas d’une épouse oisive qui se laisse servir. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais ma maison est pratiquement vide. Je n’ai que Li Na, ma servante depuis mon adolescence. J’apprécie la solitude et le calme et je m’attends à ce que ma future épouse le respecte. Évidemment, elle sera extrêmement bien traitée. Elle ne manquera jamais de rien et elle pourra jouir de ma fortune, du moins raisonnablement. Il est hors de question que je cède à tous les caprices.